Quand congés rime avec maladie

Hélène Reynier

10/1/20253 min read

Bonne nouvelle pour ceux qui tombent malades pile au moment des vacances

(tous les liens vers les textes en bas de page)

a person laying on a deck with an umbrella
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1. Le revirement jurisprudentiel du 10 septembre 2025

Par un arrêt Cass. soc., 10 septembre 2025, pourvoi n° 23-22.732 (FP-B+R), la Cour de cassation reconnaît pour la première fois que les jours de congés payés coïncidant avec un arrêt maladie peuvent être reportés, dès lors que certaines conditions sont respectées.

Dans son communiqué officiel, la Cour précise la motivation : les congés payés sont destinés au repos, or le salarié malade n’est pas en situation de repos… ce fait justifie le report des jours non consommés.

Cet arrêt marque un revirement jurisprudentiel important, en rupture avec la doctrine antérieure, notamment l’arrêt Cass. soc., 4 décembre 1996, n° 93-44.907 selon lequel les jours de congés coïncidant avec la maladie n’étaient pas reportables.

De surcroît, la Cour d’appel et la Cour de cassation se trouvent ainsi en phase avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (ex. CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11) sur le principe selon lequel l’arrêt maladie ne doit pas faire perdre au salarié ses droits à congés.

2. Le cadre légal et les évolutions de 2024

Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, dite « DDADUE », a déjà modifié le régime des congés payés en lien avec les arrêts de travail (maladie ou accident). Elle prévoit désormais qu’un salarié en arrêt maladie non professionnel continue à acquérir des congés payés (2 jours ouvrables par mois d’absence), dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence.

Par exemple, l’article L. 3141-19-2 introduit un mécanisme de report de congés acquis en période d’arrêt maladie, dans certaines conditions

3. Conditions et limites du droit au report : les points de vigilance

L’arrêt du 10 septembre 2025 institue le droit au report à condition néanmoins que :

  1. l’arrêt de travail soit notifié à l’employeur dans les formes et délais habituels (notamment dans les 48 heures) — autrement, le report peut être refusé.

  2. les congés reportés soient pris avant la fin de la période de prise de congés, ou, à défaut, dans les 15 mois suivant la lettre d’information de l’employeur (si cette lettre est envoyée).

Autres points de vigilance relevés par les commentateurs juridiques :

  • L’arrêt ne précise pas les modalités pratiques détaillées (calendrier, forme de la lettre, etc.) : on doit pour l’instant se référer aux conditions du droit commun et aux indications du ministère du Travail.

  • Tant que l’employeur n’envoie pas la lettre d’information, le délai de 15 mois pour prendre les congés reportés ne commence pas à courir.

  • Il est important que chaque salarié évalue l’intérêt financier (indemnités journalières, délai de carence, perte de salaire) avant de faire valoir ce droit.

  • La date de départ des congés reste une prérogative de l’employeur (sous réserve du respect des droits du salarié). L’employeur ne doit pas profiter de cette réforme pour imposer arbitrairement des dates de congés.

  • Le dispositif ne s’applique pas aux RTT, qui relèvent d’un régime légal distinct.

4. Recommandations aux élus du CSE : que faire concrètement ?

  • Inscrire ce sujet à l’ordre du jour du CSE pour en discuter avec l’employeur : prévoir une procédure conjointe, fixer les modalités pratiques, anticiper les impacts sur la planification des congés.

  • Veiller à ce que l’employeur prévoie une lettre d’information aux salariés concernés, définissant les conditions et le délai pour prendre les congés reportés.

  • Obtenir un règlement ou protocole interne précisant les modalités pratiques : formes des notifications, délais internes, calendrier de reprise des congés reportés, responsabilité de l’employeur en cas de carence.

  • Informer les salariés en arrêt maladie pendant leurs congés de leurs droits : notamment du droit de demander le report, des conditions à remplir, des délais à surveiller et de l’intérêt du calcul (indemnités, carence).

  • Surveiller les décisions réglementaires ou décrets à venir précisant les modalités pratiques de mise en œuvre de cet arrêt judiciaire.

Liens utiles et sources officielles