Cap ou pas cap
de juger les salariés sur leurs qualités personnelles ?
Hélène REYNIER
12/2/20252 min read
Chaque fin d’année apporte son lot d’entretiens annuels, et avec eux… des critères parfois très flous : optimisme, simplicité, bon sens, honnêteté, engagement, etc. Des termes « sympas », mais juridiquement explosifs.
En octobre 2025, la Cour de cassation (Cass. soc., 15 octobre 2025, n° 22-20.716) a rappelé fermement : un employeur ne peut pas évaluer un salarié sur des critères subjectifs portant sur sa personnalité. Et plus ces critères sont nombreux, plus le risque légal est élevé.
🔍 Pourquoi ces critères sont-ils interdits ?
1. Parce que l’évaluation doit porter sur le travail, pas sur la personne
L’article L.1222-2 du Code du travail impose que tout dispositif d’évaluation soit pertinent au regard de la finalité poursuivie.
👉 Autrement dit : on évalue la performance, les compétences, les objectifs… pas la personnalité.
2. Parce que les critères subjectifs créent un risque d’arbitraire
La Cour de cassation considère que des critères tels que « honnêteté », « optimisme » ou « simplicité »
ne sont pas mesurables,
ne reposent sur aucune méthodologie objective,
varient selon l’appréciation personnelle du manager,
exposent à une inégalité de traitement.
Dans l’arrêt d’octobre 2025, la Cour souligne également que le système comportait beaucoup trop de critères subjectifs → la dérive était inévitable.
3. Parce que ces critères peuvent justifier des décisions graves
Or les évaluations servent souvent à :
moduler la rémunération,
attribuer des primes,
décider d’une promotion,
initier une procédure disciplinaire.
Si les fondations sont subjectives, toute décision prise derrière devient fragile juridiquement.
Et la Cour a donné raison au salarié et au syndicat qui l'ont saisie :
➡️ Le système d’évaluation était illicite, car trop subjectif.
➡️ L’employeur devait revoir l’ensemble de sa démarche.
🧩 Quel est le rôle du CSE dans tout ça ?
Un rôle central.
L’employeur doit consulter le CSE dès lors qu’il met en place ou modifie :
un dispositif d’évaluation,
une grille d’entretien annuel,
un outil RH ayant un impact sur les conditions de travail.
C’est l’article L.2312-8 du Code du travail :
👉 les élus doivent être consultés sur toute question intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, ce qui inclut les méthodes d’évaluation.
Le CSE peut alors demander :
les critères d’évaluation exacts,
les méthodes de notation,
les outils utilisés (logiciels, matrices, questionnaires),
l’impact sur les salariés.
🛡️ Quels arguments les élus peuvent utiliser lors de la consultation ?
Voici les points juridiques essentiels à mobiliser :
✔️ 1. L’évaluation doit être objective et transparente
(Article L.1222-3 : le salarié doit être informé préalablement des méthodes utilisées.)
✔️ 2. Les critères subjectifs portant sur la personnalité sont prohibés
(Jurisprudence constante + arrêt du 15 oct. 2025)
✔️ 3. Les critères doivent être en lien direct avec les compétences professionnelles
(Test de proportionnalité – article L.1222-2)
✔️ 4. L’évaluation ne peut pas porter sur des qualités morales
(Ex. : honnêteté, loyauté, optimisme, bienveillance…)
✔️ 5. La multiplication de critères subjectifs renforce l’illégalité du dispositif
(Analyse précise de l’arrêt de 2025)
✔️ 6. Un système d’évaluation illicite peut rendre nulles les décisions prises ensuite
Refus de promotion, sanction, avertissement… tout peut tomber.
🧠 Le message clé à retenir :
On ne juge pas un salarié sur qui il est, mais sur ce qu’il fait — et c’est la loi qui le dit.
Et le CSE est le garant de cette ligne rouge.


